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27 août 2013 2 27 /08 /août /2013 12:43

Chapitre 4

 

    Le "barda", c'est tout ce qu'on porte sur les épaules ou qui vous colle à la peau, au cerveau, aux neurones sans vous lâcher avant qu'il ne soit logtemps. Le "barda", c'est ce qu'avait emporté à la hâte certains pieds-noirs qui étaient rentrés d'Algérie "une main devant, une main derrière".

 

    Ma grand-mère reste une référence en matière de parler haut en couleur. J'ai gardé un florilège de ses réflexions. Sur les gens en situation irrégulière : "Mme Mitterand et Vadim y n'ont qu'à les prendre chez eux!" Sur Jospin : "Ah, voilà Dary Cool !" A propos d'un reportage sur une patiente Alzheimer qui faisait des mots croisés : "Alzheimer, mon cul!" Et elle en avait autant en réserve pour les proches: "y paraît que la belle-mère de ta soeur elle penche tellement elle a des bijoux." A propos d'une voisine qui lui rendait des visites de courtoisie :"Mme Pluche, c'est Pinocchio pour la marche et Bécassine pour la tête." Même la nièce n'y coupa pas: "Pou, pou, pou, celle-là elle me donne la chiasse; elle fait que parler maladie et elle est bourrée de fric!" Son frère y eut droit aussi: comme il lui annonçait que son autre frère avait une bronchite, elle commenta tou de go : "Quel con!" Le premier Janvier 2001, alors que je me trouvais chez elle, elle m'entraîna: "Viens, on va appeler Madame Giberti pour lui faire honte" (Ah bon? Je croyais que c'était pour lui souhaiter la "bonne année" !) A cette même Madame Giberti elle déclara: "Tant que vous pouvez me remplir ma fiche d'impôts, c'est tout ce qui compte!" Elle fut laconique pour le passage à l'année 2001 : "Noël est passé, Nouvel An est passé, Ramdoula!" Le comble -mais y a-t-il une limite à la dureté de Mémé Sylvie, concerna la femme de son médecin qui la suivait depuis plus de vingt ans, hospitalisée pour un cancer: "Eh ben! Voilà, lui qui me disait: "Oh qu'est-ce que c'est 1 g de cholestérol à votre âge?" Et bien, voilà, tiens, pour lui, avec sa femme!" Assorti d'un geste explicite. Ah ma grand-mère à la compassion sans bornes et à la sensibilité rare! La voix de Régine Crespin que je lui faisais écouter en spécifiant qu'elle était décédée n'eut pas l'heur de l'émouvoir: " Y faut bien qu'ils meurent comme les autres ceux-là!"

 

    Mais elle reste l'unique grand-mère que j'aime. Pourquoi cette dureté manifeste? Elle avait quitté l'Algérie, elle avait perdu un fils handicapé, elle avait deux filles aussi différentes l'une de l'autre qui avaient pris le large, elle avait été quasiment larguée par son mari qui n'avait pas eu le courage de divorcer et lui envoyait "son mandat" tous les mois. Cela fait déjà beaucoup mais était-ce excusable pour autant ? Dureté apparente car je l'avais connue dans ses élans de tendresse, quand elle me prenait sur ses genoux et me racontait les contes de la mère l'Oie ou me chantait "A Dada sur mon Baudet" ou "Le petit bossu". J'étais et je reste "ses yeux" comme elle dit maintenant presqu'aveugle, parce qu'elle vait pu échanger de l'amour avec sa petite fille, quand elle habitait Salon de Provence, période bénie de mon enfance, où Gaële était née. A cette époque, il n'était pas question de parler de psychose maniaco-dépressive. Je passais le plus clair de mon temps entre les jupes de ma grand-mère. Combien de fois je dormais avec Mémé Sylvie avec ravissement ! Elle avait une vierge blanche fluorescente qui prenait des couleurs irisées au fond du lit quand elle disait sa prière avant de s'endormir. Et je répétais les paroles sacrées avec elle, émerveillée. Et les goûters à l'Antésite? Ce goût me revient en bouche alors que je mâche un bâton de réglisse en vous écrivant. Le verre d'eau aux couleurs terres de sienne accompagnait souvent du pain beurré avec du sucre. Goûter modeste mais grandiose à mes yeux puis que c'était Mémé Sylvie qui me l'avait préparé. Quand Gaële naquit et grandit, il fallait voir les disputes pour dormir avec Mémé dans le lit, tandis que l'autre hériterait du matelas pneumatique sur la descente de lit. Gaële fut toujours en retard d'affection. Elle ressentait cruellement la différence marquée par la grand-mère qui gérait son budget et ses sentiments au plus serré. "Carine aura un trente-trois tours, pour Gaële, comme elle est plus petite, un quarant-cinq tours, ça lui suffira". Et oui, c'était l'époque des disques de vinyl déjà révolue. Et mon père de rajouter la différence pour lui offrir un trente-trois tours... Toujours est-il que Gaële ne fut jamais dupe de cette prédilection à tel point que losqu'elle devint mère à son tour, elle ne présenta pas rapidement l'arrière-petite-fille, Coline, à son arrière-grand-mère, "Mémère". Ce fut à l'occasion d'un séjour prolongé chez ma mère que Coline put aller découvrir Mémère. Elle fut choquée à la vue de cette vieille dame aux bras "chauve-souris" et aux yeux de "grenouille"... Coline n'avait encore jamais vu de dame de quatrevingt-quatre ans et elle ne put tisser de lien avec elle.

 

(à suivre)

 

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